La nuit a ete courte. Il faut dire que
l'agitation est grande et aurait pu me maintenir eveillee toute la
nuit si mon corps ne me suppliait pas de le laisser se reposer.
Le ciel est unifromement gris. D'un
gris clair sans nuances ou aucun nuage ne se remarque, ou aucun ton
ne l'emporte sur un autre. Les nuages sombres de Bretagne dont la
masse se detachait sur le bleu du ciel n'ont rien a voir. Je crois
que pour le ciel, je preferais encore la Bretagne.
Centro historico. Amanecer. |
Le voyage en avion m'a paru extrèmement
rapide. J'y ai rencontré un jeune chercheur en agronomie, tombé
amoureux du Mexique il y a 10 ans et qui y a posé ses valises depuis.
Les rides au coin de ses yeux accompagnaient un sourire qui fendait
son visage. Sa présence et sa discussion ont accompagné mon arrivée.
Les quinze dernières minutes, nous
avons survolé la ciudad de Mexico (plus communément appelée DF,
prononcé défé). 15 minutes a 400km/h au moins, je vous laisse
faire le calcul de la surface parcourue. Des montagnes au sommet rond
et doux (des volcans pour certaines) délimitent une plaine énorme,
un plateau recouvert de béton, cables,tours, une sorte de flaque
urbane qui s'étale a perte de vue.
J'écris ces mots assise sur le toit de
l'auberge de jeunesse. Des jeunes travailleurs viennent de passer sur
le toit d'en face. Ils longent les briques au bord du vide pour
s'arrêter assis, les jambes pendantes et manger leur petit déjeuner.
Ce sont des ouvriers qui vont retaper le clocher d'une église.
L'arrivée a l'aeroport a été rude.
Assomée par les heures d'avion, Benjamin (le chercheur en agronomie)
est resté a mes cotés pour le contrôle de migration et la douane.
Puis il s'en est allé prendre son avion pour San Cristobal
del as Casas. Une foule compacte attendait a l'arrivée, des cris et
des larmes fusaient de toute part. Je me suis sentie entourée de ces
effusions, bien qu'elles ne concernaient pas.
Et puis, le vide, l'immensité de la
ville face a moi, minuscule dans un monde dont je ne connais rien. Les
voitures qui vrombissent, passent a toute allure. Bref, une sortie
d'aéroport comme les autres. Ma tête tournait devant tant
d'agitation. Les mouvements, le bruit m'ont pris a la gorge. J'ai
pensé : « A force de vouloir faire la maligne, tu vas peut
etre finir par connaître ce que tu cherches tant ». On ne sait
jamais vraiment pourquoi l'on part. Je ne pense pas fuir. En tout
cas, on ne sait pas ce que l'on va trouver et c'est à peine si l'on
sait ce que l'on cherche.
Je ne voulais pas prendre le metro en
heure de pointe avec mes bagages, on me l'avait déconseillé a
plusieurs reprises, comme de prendre le taxi, mis a part un taxi
« autorisé ». Les taxis « autorizados »
coûtent la peau du cul, plus cher qu'une nuit a l'auberge. Je
n'arrivais pas a me résoudre a payer aussi cher pour rejoindre le
centre ville. J'avais en tête Cuba et notre arrivée a l'aéroport.
Elle a été a l'image de notre voyage. Nous avions refusé les taxis
et préféré le bus pour finalement atterrir en pleine nuit dans la
Havane, sans avoir aucune idée d'ou nous étions. Je pense que les
premieres heures à l'arrivée déterminent beaucoup la suite du
voyage,elles donnent le ton de ce que pourra être la suite. J'ai
déambulé un peu avec mes gros sacs devant la sortie des passagers.
Je regardais les visages, cherchant un air chalereux, un regard qui
m'inspirerait confiance afin de demander conseil.
J'ai rencontré Edgar, un jeune mexicain
qui attendait un ami anglais. On a discuté quelques minutes et il
m'a proposé de me conduire en centre ville, puisque c'était son
chemin. Edgar a été la chance de mon arrivée. Une fois retrouvé
son ami anglais, on est monté dans sa toute petite voiture qui
fendait courageusement le flot des centaines de véhicules a toute
allure sur le périph'. Un monde féérique digne de films qui
jusqu'alors me paraissaient « exotiques ». Les lumieres
de « 2046 », les enseignes d' « Enter the void ».
Des panneaux géants jalonnaient notre parcours, vantant les mérites
de produits ou destinations inconnus.
De fil en aiguille, nous ommes allés
mager des tacos dans un bouiboui eclairé au néon, la télé en fond
sonore.
La police est omniprésente de jour
comme de nuit. La nuit, les flics paradent a l'arrière de
pick-up, armes aux bras, sirènes hurlantes, à fond la caisse entre les
voitures. Ils semblent en spectacle permanent. Il y a bien sur une
part d'intimidation, mais ca n'a rien avoir avec les trois jeunes
recrues du plan vigipirate qui surveillent le métro a Marseille...
On sent qu'ils jouent sur la peur et la violence qu'ils dégagent. De
jour, ils sont plantés tous les cinquantes mètres, de part et d'autre
du trottoir, équipés comme des CRS en pleine émeute urbaine.
Certains pianotent sur leur portable, d'autres jettent des regards
noirs a qui oserait un coup d'oeil. Leur présence crée une ambiance
sans cesse incertaine, comme si tout pouvait arriver d'un moment a
l'autre.
Ce qui d'ailleurs semble vraisemblable.
A la question de son ami « cosas nuevas en tu vida? », Edgar a repondu « oui, ils m'ont attaqué ». Il s'est
retrouvé dans une fusillade ou sa voiture a été completement
detruite, meme si lui a eu l'air de s'en sortir indeme. Son ami
anglais, qui a deja vecu au mexique, ne semblait pas surpris. Ces
quelques mots glissés dans une conversation banale m'ont fait pendre
conscience a quel point la vie semble fragile ici, d'autant plus pour
celui qui ne connait pas les codes. Pour autant, je ne ressens pas
l'insécurité, a part a travers la presence éxagérée de la
police.
La cerveza et les tacos nous ont aussi
permis de parler des dernieres élections présidentielles. Le récent
article du Monde Diplomatique est apparement fidele a la situation
actuelle. (Sur Internet, l'article n'est pas encore disponible en entier, mais voici quand même >>> le lien <<< ). Les narcos semblent dicter le jeu de la démocratie puisque
l'insécurité montante dûe aux guerres de territoires est entre
autre le résultat de l'alternance politique et de la guerre declarée
aux narcos par le précédent président Felipe Calderon. Il semble
également que les accusations portées par AMLO (PRD,gauche,
candidat "perdant") envers E.P. Nieto (PRI, droite liberale, candidat
"vainqueur") soient fondées. Le PRI aurait acheté des millions de
voix à travers divers moyens (pressions, chantages, cadeaux,
promesses, argent). Edgar m'a dit en avoir fait les frais a son
travail, tout comme sa mère. Le PRI contrôlerait une grande partie
de la population votante grâce à sa mainmise sur les travailleurs. Ce
sujet mériterait des recherches plus approfondies. AMLO a porté
plainte aupres de l'institution électorale mais celle-ci semble
acquise au PRI, tout comme les médias de masse, voir la justice.
C'est un sujet complexe puisqu'il est lié a une multitude de
problemes de la societe mexicaine.
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