Cynisme, quand tu nous tiens !

Un matin dans le métro, une vendeuse ambulante traversait les wagons. Elle ne vendait pas des chewing gums ou de la musique, ou des brosses à dents ou des contes pour enfants, comme la plupart des vendeurs ambulants. Elle brandissait un dépliant sur la nouvelle réforme du code du travail. Et criait : "10 pesos! pas cher! Tes droits de travailleur, d'employé, de patron! Ça te coûte 10 pesos! Licenciement abusif, femme enceinte, personne handicapée! 10 pesos!" A force de faire sa pub, de gueuler la même chose depuis des heures, elle en perdait ses mots, bafouillait. Elle perdait le sens de ce qu'elle criait, tel un automate, à tel point que ça en devenat burlesque. La réforme du code du travail supprime le peu de droits qui restaient aux travailleurs. Et les vendeurs ambulants, qu'ils travaillent pour leur compte ou pas, ne bénéficient d'aucun droit "légal" puisqu'il s'agit d'un commerce complètement informel (soit dit en passant que l'économie informelle représente plus de la moitié des revenus du pays).La vendeuse s'empêtrait donc dans ses mots et dans le paradoxe de sa situation. J'ai souri, le cynisme au coin des lêvres.
Le cynisme est rouge et noir. Rouge d'un rire éclatant, noir d'une bombe qui explose.
Le cynisme n'est rien de plus qu'une forme de survie. Un jeu pour de faux. Mais dont l'adversaire est la réalité.
Un jeu pour tricheurs ; ceux qui trichent avec un adversaire trop dur à affronter quotidiennement.
Un jeu de passe-passe, un truc de pickpocket. Une manip de survie, rapide, efficace.
Le cynisme c'est aussi l'acceptation, voir la résignation. Ce fameux "Así es" ou "Así pasa" qui s'apprend ici par la force des choses.
Le cynisme permet de dresser un mur invisible -mais un mur quand même- entre soi-même et la réalité.
Certains peuvent le nommer "sens de l'humour" ou "indifférence". Moi je l'aime ainsi, cynisme.
Le cynisme a quelque chose de diabolique. Fuir le regard et rire en coin. Evitement, contournement, pseudo aveuglement.
Oui c'est diabolique. Mais comme dit Lhasa, "entre toi et le diable, j'ai choisi le plus confortable".

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