Así pasa

La haine monte en toi, je le sais parfaitement
Je vois ta main droite gantée de noir
C'est sans espoir, la mutation s'amorce
IAM - Petit Frère


L'histoire du monde pis mon histoire sont mélangées
J'viens juste de r'vivre cent mille autres vies en une seconde
Toutes mes conneries pis l'ambition d'l'humanité
Ça r'vient au même, y'a pas d'coupable, y'a pas de honte.
L'harmonica c'est pas un violon, c'est pas éternel
Et pis ça pleure comme si c'était conscient d'son sort
D'ailleurs à soir j'me permets d'pleurer avec elle
J'attends un peu, chu pas pressé, j'attends la mort.
Les Colocs - Dehors Novembre


Le centre était encore animé, on sortait du cinéma et la tristesse tirait les traits d'Alejandro. Nathalie nous a proposé de venir manger chez elle. Hésitation, et puis non. Besoin de me fatiguer, envie de vivre les rues, de parcourir cette ligne droite vers le sud. A cette heure-ci, la nuit tombait peu à peu. A force de marcher, mes pas devenaient automatiques. J'avais besoin de dépenser cette énergie, de voir la ville défiler lentement au rythme de la marche. C'est une avenue toute droite. Elle doit faire pas loin de 20km, ou peut-être plus. Un des axes principaux de la ville, Eje Central, comme son nom l'indique. Les premiers kilomètres, les rues qui la croisent sont encore denses de circulation. Les magasins et les fondas se bousculent, se disputent les moindres morceaux de trottoirs. Les marchands ambulants grapillent ce qui reste.
L'Eje Central traverse toute sorte de quartiers. Moi je pensais qu'il les traversait comme un tunnel, comme si des murs l'entouraient, et nous maintenait dans son sillage de voitures. Je nous imaginais comme invincibles dans notre fragilité. Chanceuse et confiante dans le destin, puisque les murs invisibles de l'avenue me protègent.
Mes pas devenaient automatiques. Les passants plus rares à cette heure-ci ne retenaient pas mon attention. Une chose m'a fait sortir du rythme automatique de la marche et des paroles. Un petit immeuble à trois étages. Les fenètres du deuxième étage étaient voilées de rideaux rouges. La lumière intèrieure traversait le tissu rouge et réchauffait l'avenue. Les ramures d'un arbre entrecoupaient un peu le faisceau chaleureux. Comme à mon habitude je n'avais pas mon appareil photo. Ale m'a passé son portable et je me suis postée sur le trottoir, l'immeuble était en face, de l'autre côté de l'avenue. L'appareil n'arrivait pas à faire la mise au point. La photo ne se prenait pas, malgré mon acharnement. Je persistais parce que cet immeuble, ces fenêtre à la lumière rouge, me faisaient penser à Lucie. Soudain, je la voyais presque habiter cet intèrieur, boire son thé derrière ces rideaux. J'ai fini par m'y résoudre, le portable ne prendrait pas la photo.
On a repris le chemin, et moi avec une petite déception. J'avais laissé quelque chose derrière moi, au petit immeuble aux rideaux rouges.
Les mots continuaient à filer entre nous. Parfois entrecoupés de silences. La répétition de la marche incite aux confidences.
On se rapprochait du quartier que je connaissais, où j'ai habité le premier mois. On devait être à une demi heure du tag et de la peinture de la vierge de Guadalupe. On a traversé un grand axe, et j'ai repéré : Eje 3. Dans ma tête j'ai compté : plus que trois Ejes et on arrive à la hauteur de chez moi. Trois Ejes, une bonne demi heure de marche. Je ne sentais pas la fatigue. Seules mes jambes percevaient la lassitude de la marche.
Et puis voilà, on traversait une rue. Au milieu, la lumière des lampadaires s'estompait, le goudron se faisait plus noir. La pénombre recouvrait le halo lumineux, le visible, l'insouciance, le no pasa nada. Le voilà devant moi, à peine si j'ai eu le temps de le voir se tourner vers nous. Le voilà devant moi, le bras tendu, les yeux brillants, la capuche rabattue sur sa tête. J'ai vu sa capuche, j'ai vu le gris clair, passé, de sa veste de sport. J'ai senti sa tension, j'ai compris son intention et, je ne sais plus à quelle millilième de seconde, ja' vu son arme. Mes yeux sont remontés. Sur son visage, ses yeux brillants, sa capuche, le gris de sa veste. Le pistolet était toujours dans mon champ de vision, mais flou. Seul le canon gardait sa netteté. J'ai compris sans comprendre. Soudain, j'avais vécu ca des dizaines de fois. Ne pas discuter, ne pas s'effrayer. Donner. Ou plutôt, se débarasser. Se débarasser ce qu'il veut, lui. Tendre le bras, lui passer le sac, suivre l'arme des yeux. Pourvu qu'il ne soit pas défoncé. Pourvu qu'il sache ce qu'il fait, qu'il le fasse bien, qu'il maitirise la situation qu'il a créée, dans laquelle je suis rentrée, moi qui pensait y être rentrée par le hasard des choses, alors qu'il faut se l'avouer, le hasard n'a pas toute l'importance que je voudrais lui donner dans ce moment là. Il était bien trop jeune pour que nos chemins se croisent de cette manière. J'aurais aimé pouvoir remonter le temps et connaitre son passé. Ecouter ses premiers cris, voir le regard de sa mère alors qu'il était encore relié à son corps. Voir ses premiers pas, suivre son regard la première fois qu'il vit du sang. Etre dans ses pensées la première fois qu'il pris un pistolet dans ses mains.
Ale a bien tenté de lui demander de lui laisser ses clés. Mais son regard s'est fait plus dur, le mur qui nous séparait s'est fait plus dense, alors qu'a ce moment plus que jamais, j'ai compris que la balle pouvit nous atteindre en un dizième de secondes. Je l'ai compris sans le penser. J'ai parlé à Ale sans prononcer un mot. Mon regard a pesé sur ses gestes, il a donné son sac. J'ai vu son regard une dernière fois, sans le croiser. Il est parti, sans même être une silouette dans la nuit. On était toujours au milieu de la rue. On a fait quelques pas. Le trottoir, la lumière du lampadaire, des passants.
Regards, les bras qui s'ouvrent pour se refermer sur le dos de l'autre. La chaleur d'un corps humain. Et puis un tremblement, léger, presque imperceptible. Envie de crier, alors je gueule. Pinche cabrón. ¿ Porque ? Des mots qui sortent de mon traversent tout mon corps en francais, mais qui sortent de ma bouche en espagnol. J'ai chaud soudain.
Ale me dit : “todo esta bien”, “tranquila”, “así pasa”. Je crie de plus belle. Et puis il me dit “es normal”. Toute l'incompréhension, la colère, le ressenti, je lui vomis tout dessus. Je ne suis pas née dans un pays où, depuis mes premiers pas, on me rabâche les oreilles avec des “cuidate” chaque fois que je sors dans la rue. Où j'ai vécu la plus grande partie de ma vie, il n'y a pas des photos de morts décapités à la une des journaux. Non ce n'est pas “normal”. Il faut avoir vécu l'inverse, l'extrème sécurité, la tranquilité excessive de la plupart des rues francaises, pour s'en rendre compte.
Subir le pouvoir d'une arme face à soi n'est pas “normal”. Même si c'est courant. Même si así pasa.

La vie continue. La vida siguie. Le blues m'a réchauffé et dénoué le noeud froid qui persistait au fond de moi. Mais je ne sens plus la même force en marchant dans la rue. Mon regard s'est aiguisé. Je tente de conserver la vibra, puisque c'est ca qui semble diriger mes pas. Así pasa.

Marcha del 2 de octubre

Des dizaines de millers de personnes sont descendues dans les rues de la capitale pour commémorer le massacre de Tlatelcolco du 2 octobre 1968. Une manif  "traditionnelle" en quelque sorte mais où les slogans hurlés à travers les rues différaient des autres années. Vieux et jeunes manifestaient également contre la une réforme du code du travail appelée "Reforma laboral" qui précarise l'emploi et détruit le peu d'acquis sociaux censés être en vigueur. 
Etaient contestées la répresion, la réforme laborale... et évidemment la fraude des dernières élections présidentielles de juillet 2012. Enrique Peña Nieto sera promulgué président le 2 décembre prochain, alors que la fraude lui ayant permis d'être élu est évidente. L'achat de millions de voix aura permis au PRI (parti revolutionnaire institutionnel) de continuer de gouverner le pays. Le Tribunal Fédéral Electoral ayant décaré il y a environ un mois (suite à une plainte d'un des candidats de l'opposition) que les preuves de fraude étaient réelles mais "insuffisantes" pour annuler l'élection de Peña Nieto.
C'est donc aux cris de "¡Nieto pendejo!", "¡No más PRI !" que le cortège a déambulé jusqu'au Zocalo, sans incidents ou presque.

>>> Compte-rendu de la manif par le Comite Cerezo Mexico <<<




Voici quelques photos prises dans la manif, accompagnées d'explications succintes...




 Vidéo "Libertad a presos políticos"

 

Le Comito Cerezo compte 30 "disparitions forcées" de défenseurs et défenseuses des Droits de l'Homme entre janvier 2011 et février 2012. 

 68 agresions à l'encontre de défenseurs des Droits de l'Homme ont été répertoriées pour la même période.

Selon une étude réalisée en 2011 :
En 2009-2010, 17 Etats de la République Mexicaine ont procédé à des détentions pour motifs politiques.
Au  cours de cette période furent détenues 245 personnes pour des motifs politiques. 123 d'entre elles furent libérées, dont 83 suite à une procédure judiciaire. Il a pu être vérifié que 18 sont toujours en détention, la situation des autres est inconnue

" Informe sobre la desaparición forzada de defensores de los derechos humanos Mexico 2012 "
"Informe de violaciones de derechos umanos cometidas contra las personas defensoras de los deechos humanos en el periodo 2011 - primer trimestre de 2012"




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Reforma laboral : ¿ Te gustaría ganar $7.47 la hora ?
La Reforma laboral est une réforme à la Ley Federal del Trabajo (Loi fédérale du Travail). Le Mexique s'aligne sur les exigences du marché libéral mondial. Une bonne partie des mesures sont déjà pratiquées, avec ou sans réforme. La Reforma laboral les "légualise".

Quelques points important de la réforme : 

- Permettre le licenciement sans motif justificatif
- Créations de contrats à l'essai et de travail discontinu, qui permettent une grande flexibilité de la main d'oeuvre de travail.
- Disparition de l'avis de licenciement pour les travailleurs domestiques
- Possibilité de licencier les travailleurs agricoles sans avis préalable et sans compensation financière.

- Permettre la fixation du salaire de manière "unilatérale" de la part du patron, sans consultation préalable des syndicats.
- Légalise la "polyvalence", le "multiusage" du salarié, pour un salaire égal.
- Permettre un changement quotidien des heures de repos et des horaires de travai en fonction des nécessités de la production. Cela signifie entre autre que les samedis et dimanches sont considérés comme des jours de travail comme les autres, sans indemnités de salaire ou prime dominicale.

- Légalise le paiement à l'heure de travail
- Baisse le salaire minimum à 7,47 pesos l'heure, soit 0,45 centimes de l'heure. (Pour donner un ordre d'idée : un sandwich, un assortiment de tacos ou une quesadilla coûte entre15 et 25 pesos, une bière 20 pesos, un billet de métro 3 pesos, un bidon de 20L d'eau potable entre 15 et 30 pesos...)

La réforme a été votée le samedi 29 septembre par la chambre des députés ( 351votes pour, 130 contre et10 abstentions). La réforme est cours d'analyse par le Sénat, et suite à sa validation, sera promulguée par le Président Felipe Calderón. 




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Los de los machetes

Los de los machetes

Medios corruptos

Marcha del 2 de octubre

Marcha del 2 de octubre

Mujeres indigenas

¡¡¡ No llores !!! Por un Mexico que lucha      ¡¡¡ Lucha !!! Por un Mexico que llora

En empleo informal en Mexico, 62% de trabajaores

Recuerdan matanza de Tlatelolco

Xalapa

La nuit précédente, je m'étais couchée à l'heure oú la lune fait place au soleil. Le jour se levait et la lumière bleue m'apaisait. Je revenais du festival de los globos. Dans la voiture, Ali rappait en arabe, des mots en resistance a l'occupation en Palestine. Marta riait et Ali aussi. lls dégagaient plus que jamais l'énergie que j'aime tant en eux. Celle de la joie de vivre, de l'espérance en le futur.

On a parlé longtemps, de nos peurs profondes. De nos difficultés à faire les choses qui nous tiennent à coeur J'ai eu envie de pleurer mais je me suis retenue. A ce moment j'ai eu terriblement peur de ne pas avoir la force d'aller a Xalapa quand je me reveillerai, ainsi que je me l'étais promis. J'ai eu envie de sortir et de marcher dans les rues avec cette lumière bleutée.

Je me suis endormie une minute après m'etre assise dans le car. Quand je me suis reveillée 3h après, il faisait nuit et je distinguais seulement la route a quelques dizaines de mètres, eclairée par la lumière du car. J'ai sorti mon carnet ou j'avais écrit l'adresse du Couchsurfer chez qui je voulais aller. La femme a côté de moi a regardé et m' a dit de ne pas prendre le bus une fois arrivée a Xalapa. Trop dangereux.  Elle m'a dit de descendre au terminus, a la centrale de car et pas avant. Trop dangereux. Une fois arrivée on a pris le taxi ensemble et elle m'a raconté comment on l'avait braqué plusieurs fois dans le taxi. J'étais consciente d'etre tombeée sur quelqu'un de particulierement flippé, mais j'avais du mal a ne pas sentir la peur qu'elle souhaitait a tout pris me communiquer. Le taxi m'a déposé devant une maison qui paraissait inhabitée. Les fenêtres fermées et un cadenas a la porte. J'ai attendu quelques minutes, ne sachant si je devais avoir peur ou non. Il n'y avait pas d'eclairage et je n'avais pas vraiment idée d'ou j'étais et ou j'allais atterrir.

Le fait de partir était symbolique et m'a demandé beaucoup d'énergie. J'ai douté jusqu'au dernier moment, jusqu'a sortir du bus et sentir que l'air était plus chaud et plus humide. J'étais a Xalapa.
A l'est du DF, dans l'Etat de Veracruz, pas très loin de l'ocean Atlantique. En fait j'aime beaucoup le nom de cette ville, c'est pour ca que j'y suis allée. Ca se prononce "Jalapa". Comparée au DF, la ville est petite. Tres diffèrente. Ici les gens prennent le temps de boire un café en terrasse, il y a moins de voitures. D'ou j'ecris, je surplombe la ville et les montagnes sont toutes proches. Pas comme au DF ou on les distingue vaguement a travers un nuage de pollution. Je me perdais un peu au DF. J'avais du mal a me sentir avec moi même. Je vis beaucoup a travers les fiestas et le mouvement. Il y a beaucoup de choses qui me changent.


Je ne raconterai rien de Xalapa, délibérément. Ce fut un voyage intèrieur bien plus que culturel, touristique ou même spatial. A Xalapa j'ai pris le temps de parler avec une folle dans le parc Benito Juarez. J'ai marché dans la forêt et suis descendue dans les profondeurs d'une grotte. J'ai parlé de la mort, celle qui nous entoure, qui nous frôle, celle dont on ne sait pas si elle est réelle ou non, et quelle réalité revêt-elle ? 
J'ai pensé à Hiroshima mon amour. 
"Tu n'as rien vu à Hiroshima". 
"J'ai tout vu à Hiroshima, tout."
 La réalité est celle à laquelle nous croyons. 


El patio chez Rodrigo y Gabriela, Xalapa


 Ne rien faire à Xalapa


Contemplations quotidiennes. Xalapa.


Globos

Milpa Alta. Festival de los globos. Foto : Juan David Figueroa

Pour la jeunesse c'est la raison qui a inventé le désespoir contemporain, et l'anarchie matérielle du monde, en séparant les éléments d'un monde qu'une vrai culture réunissait.
Si nous avons une fausse idée du destin et de sa marche dans la nature, c'est que nous ne savons plus regarder la nature, sentir la vie dans sa totalité. (...)
Il y a un déterminisme secret basé sur les lois supérieures du monde ; mais au milieu d'une science mécanisée et qui s'embarasse sans ses microscopes, parler des lois supérieures du monde, c'est soulever la risée d'un monde où la vie n'est plus qu'un musée.

Antonin Artaud, Messages révolutionnaires, 1936