Elle : la soixantaine, mariée depuis 30 ans, a un fils et une fille, vit avec ses enfants, son mari, son frère, sa sœur, le mari de sa sœur et les deux enfants de sa sœur.
Conversation inattendue.
« Elle traite son corps comme une machine bien huilée »
Toute fière, elle m'amène le livre.
« C'est un livre d'auto-estime ! ». Regard dubitatif
de ma part. « Bah oui, pour avoir confiance en toi, pour savoir
que toi aussi tu vaux quelque chose ! ». Ah. Bien. Je me
dis qu'il serait temps de mettre mes préjugés de côté et de
m'intéresser à ce à quoi la majorité des gens s'intéresse. La
couverture ferait très « livre-de-gare » en France. Ici,
elle fait très « livre-de-vendeurs-ambulants-du-metro ».
Bon, l'image ne m'enthousiasme pas. Le titre non plus. « ¿Por
qué los hombres aman a las cabronas ? De tapete a chica de
ensueño. » Autrement dit « Pour quoi les hommes
aiment-ils les cabronas ?
Du tapis à la fille
de rêve ».
Tout
est dans le cabronas.
Cabrona vient
du féminin de cabrón,
celui qui ose, celui qui abuse, celui qui joue des tours, celui qui
trompe. Bref, un terme généralement utilisé de façon amicale et
affectueuse. Il peut prendre le sens de connard
ou enfoiré, mais
c'est rare.
La cabrona,
celle qui ose, qui s'en fout, qui joue des tours, qui trompe. Ici,
envers les hommes. Et donc surtout, dans ce contexte, celle qui est
sûre d'elle, indépendante. Celle qui séduit pour séduire, celle
qui a mis les valeurs de mariage-famille-patrie de côté, celle qui
peut et qui ose faire du mal.
Voilà tout ce que
j'ai pensé en voyant la couverture. La couverture : une femme
blanche que l'on devine nue -mais dont l'image s'arrête en haut de
son buste-, cheveux châtains, courts, qu'elle relève dans ses
mains. Et le regard, de défi.
Je jette un œil
au bouquin. Il prétend à une analyse du comportement dit
« masculin » envers la gente féminine, et donne des
« conseils » afin de séduire et surtout, de garder
l'homme en question. En gros, il vaut mieux être une cabrona
si l'on veut se faire désirer sur le long terme, et garder l'objet
tant convoité.
J'ouvre le livre au
hasard.... « Les dix caractéristiques de la cabrona
sont : 1. elle maintient son indépendance ; 2. elle ne le
poursuit pas ; 3.elle est mystérieuse ; 4. elle le quitte
par exigence ; 5. elle ne permet pas qu'il la voie passer un
mauvais moment ; 6. elle a le contrôle sur son propre temps ;
7. elle garde son sens de l'humour ; 8. elle se sent
courageuse ; 9. elle se passionne pour des choses qui ne sont
pas en lien avec lui ; 10. elle traite son corps comme une
machine bien huilée »
(Entre nous, le
dernier est encore le plus savoureux)
Et là, le doute
m'envahit. J'y reconnais ma propre attitude.
Le sacrifice
- Elle :
« L'homme est un chasseur. Une fois qu'il a attrapé sa proie,
elle ne l'intéresse plus. Moi j'ai dû comprendre ça. Ça m'a aidé
ce livre. Tu sais, mes parents étaient analphabètes. Ma mère
savait pas lire. Elle avait des valeurs... Enfin, j'ai été éduquée
avec ces valeurs. Ma mère a jamais travaillé. Elle s'est occupée
de nous. A cette époque, les femmes étaient faites pour se marier,
avoir des enfants et voilà. Elles avaient pas vraiment le choix. Moi
j'ai voulu travailler. Alors j'ai étudié, et j'ai travaillé. Mais
quand j'étais jeune j'avais ce rêve de fonder un foyer, une
famille, des enfants. Tout ça quoi. Mon rêve c'était de trouver un
mari, et d'avoir ma maison, et ma famille. Dans la vie, tout demande
un sacrifice. Regarde, toi, tu étudies. Tu sacrifies les amitiés,
tu sacrifies le travail, tu sacrifies les fêtes, tu sacrifies les
voyages. Avoir une famille, un mari, un foyer, c'est pareil. Ils
passent avant, tout le temps. Moi je sais pas comment ça se passe
chez les riches. Je connais juste mon milieu, mon quartier. Chez les
riches, je sais pas comment ça se passe. Mais j'ai l'impression que
la famille est moins importante. Ils ont pas le sentiment de la
famille. C'est vraiment triste ça. Parce que à cause de l'argent
qu'ils ont, la femme voyage, le mari voyage, les enfants voyagent.
Ils se voient jamais. Pour moi, c'est important ma famille. On peut
compter les uns sur les autres, on est beaucoup, on s'aide quoi. Je
pourrais pas vivre sans ma famille, moi. Enfin bon, il faut que tu
lises ce livre. Il t'explique bien comment sont les hommes et comment
doivent être les femmes. »
- Son mari :« Fais
gaffe, tu vas presque devenir féministe »
- Elle : « Mais
non ! »
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